Visiblement peu assuré de disposer d’une majorité sur ce texte, le gouvernement a choisi de ne pas prendre le risque d’un vote devant les députés : il a donc engagé sa responsabilité via l’article 49 alinéa 3 de la Constitution…
Mais quelle sont les dispositions principales de ce texte qui s’il ne faisait pas l’objet d’une censure, serait donc définitif ?
Nous vous souhaitons une bonne lecture.
Anne-Sophie et Michel – Vos référents juridiques
Cœur du réacteur de cette réforme cristallisant l’opposition syndicale, le report de l’âge légal n’a pas été modifié pendant la procédure parlementaire : l’âge d’ouverture du droit à une pension est fixé à 64 ans au lieu de 62, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1968. De même, de manière inchangée par rapport au texte du Sénat, l’âge légal sera fixé par décret de manière croissante à raison de trois mois par génération, pour les assurés nés entre 1961 et 1967.
Sans modification par rapport au projet de loi initial, le texte reprend le calendrier Touraine accéléré, soit une mise en œuvre plus rapide de l’augmentation de la durée d’assurance prévue par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014. La cible de 43 annuités (172 trimestres) demeure inchangée mais serait atteinte dès 2027 au lieu de 2035, à raison d’un trimestre supplémentaire par an au lieu d’un trimestre tous les trois ans.
L’âge d’annulation de la décote est maintenu à 67 ans. Les personnes partant à la retraite à 67 ans bénéficient donc d’une pension à taux plein, quelle que soit leur durée d’assurance.
La question de la retraite des femmes, dont les pensions plus faibles sont souvent liées aux inégalités de salaires par rapport aux hommes, aura marqué un point de basculement dans les débats. La commission mixte paritaire a-t-elle voulu en tenir compte ? Elle a ajouté en début d’article 7 un alinéa relatif à l’écart de pension entre les hommes et les femmes. Le texte fixe désormais un objectif échelonné dans le temps de suppression de cet écart, soit :
La Commission Mixte Paritaire a conservé une mesure adoptée par le Sénat visant à attribuer une majoration (ou surcote), principalement aux mères de famille, entre leurs 63 ans et leurs 64 ans si elles ont déjà cumulé les annuités requises.
Concrètement, il sera accordé une surcote de 1,25 % par trimestre supplémentaire de cotisation aux assurés sociaux qui dépasseront ces annuités un an avant l’âge légal de départ, avec au moins avec deux trimestres de majoration pour la maternité ou l’éducation des enfants. Autrement dit, les assurés concernés pourraient bénéficier d’une majoration de pension de 5 % au titre de l’année précédant la date à laquelle ils atteignent l’âge légal de départ à la retraite.
C’était sans doute l’un des points les plus épineux de la réforme, et qui a fait l’objet de multiples modifications et propositions en cours de travail parlementaire.
Deux conditions cumulatives seront nécessaires pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue : justifier de la durée d’assurance requise, c’est-à-dire à terme 43 annuités ou 172 trimestres, et avoir atteint l’une des 4 bornes d’âge définies par décret.
Concrètement, l’âge de départ pour carrière longue devrait être abaissé à :
Rappelons que le texte initial ne comportait que trois bornes d’âge (16, 18 et 20 ans) et prévoyait une durée d’assurance majorée d’une année, soit 44 ans, pour les deux premières. L’ajout de la 4e borne et l’harmonisation de la durée de cotisation à 43 ans pour tous les bénéficiaires devraient coûter 700 millions d’euros.
Par ailleurs, certains travailleurs concernés (environ un tiers) devront cotiser plus longtemps s’ils n’ont pas atteint leur borne d’âge de départ après 43 années de cotisation : les 43 annuités seront donc un plancher et non un plafond.
Un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle est créé, le gouvernement souhaitant le doter d’un milliard d’euros sur cinq ans. Ce fonds aidera les employeurs et les branches à financer des actions de sensibilisation, de prévention, d’actions de formation et de reconversion. Ces actions iront prioritairement aux métiers et activités « particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels ».
Le texte demande aux branches professionnelles d’engager dans les deux mois suivant la promulgation de la loi une négociation établissant une liste de métiers et d’activités exposés aux facteurs de pénibilité.
Le départ anticipé pour incapacité permanente est abaissé à 60 ans lorsque le taux d’incapacité est d’au moins 20 %. Les salariés atteints d’une incapacité permanente d’au moins 10 % bénéficient d’un départ 2 ans avant l’âge légal à taux plein à condition que celle-ci soit liée à une exposition à des facteurs de pénibilité pendant une durée fixée par décret, qui devrait être de cinq ans.
Le texte prévoit pour les salariés particulièrement exposés aux risques professionnels que la visite de mi-carrière, à 45 ans, permette au professionnel de santé de proposer des mesures d’aménagement du poste ou du temps de travail de salarié. Une visite médicale est organisée pour les 60 ans du salarié, le médecin du travail pouvant l’orienter vers une inaptitude.
Fait nouveau, le texte donne la possibilité d’utiliser des points acquis sur le C2P (compte professionnel de prévention) pour financer un projet de reconversion professionnelle en vue d’accéder à un emploi non exposé aux facteurs de pénibilité, dans le cadre d’un congé de reconversion professionnelle. Un décret précisera les modalités de ce droit.
Les annonces du gouvernement sur l’amélioration du compte pénibilité (meilleure prise en compte du travail de nuit par exemple) nécessiteront un décret.
Améliorer et généraliser les dispositions de meilleure transition entre l’activité et la retraite : c’est l’ambition du gouvernement. Le texte prévoit que le cumul emploi-retraite continue de générer des droits pour les pensionnés. La retraite progressive est étendue à la fonction publique. Et son accès s’accompagne de la possibilité pour les salariés de demander un temps partiel (ou temps réduit pour les salariés en forfaits-jours), l’employeur devant justifier son refus « par l’incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise ».
Si le texte de la commission mixte paritaire confirme bien la création d’un CDI senior (« contrat de fin de carrière » dans le texte), le dispositif subit toutefois de sérieuses retouches par rapport à la version du Sénat. Ce contrat cible uniquement les chômeurs de longue durée d’au moins 60 ans et non tous les seniors.
Autre évolution : son inscription dans le code du travail ne sera pas automatique. Les partenaires sociaux seront chargés de définir les contours du dispositif, via une négociation nationale interprofessionnelle (ANI), sur la base d’un document d’orientation, concocté par le ministère du travail. Si un tel ANI n’est pas conclu avant le 31 août 2023, le CDI senior sera expérimenté pendant trois ans, entre 2023 et 2026. Le gouvernement remettra alors au Parlement un rapport d’évaluation pour jauger les bienfaits du dispositif au plus tard six mois avant le terme de cette expérimentation.
En outre, l’employeur bénéficiera bien d’incitation financières. Mais l’exonération de cotisations familiales sera valable uniquement sur les 12 premiers mois du contrat. Cette exonération ne sera pas applicable aux rémunérations versées au salarié percevant une pension vieillesse servie par un régime de retraite légalement obligatoire.
Pour rappel, ce contrat sera à durée indéterminée (CDI). Mais les employeurs pourront, par dérogation à l’article L.1237‑5 du code de la sécurité sociale, mettre à la retraite le salarié avant ses 70 ans dès lors qu’il remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein.
Les branches professionnelles seront, quant à elles, chargées de calibrer le dispositif ; autrement dit, de définir les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié. Toutes ces dispositions seront fixées par une convention de branche ou un accord de branche étendu.
En sus du CDI seniors, les députés et sénateurs ont confirmé la création d’un Index seniors pour les entreprises d’au moins 300 salariés afin d’améliorer « l’embauche et le maintien en activité » des salariés expérimentés, sans modification par rapport à la version adoptée par le Sénat.
Il s’appliquera progressivement :
Comme pour l’Index égalité professionnelle, l’employeur devra publier chaque année des indices relatifs à l’emploi des seniors, incluant une distinction de sexe, et les actions menées pour le favoriser.
Quels seront les indicateurs retenus ? Il faudra attendre le décret d’application de la loi pour connaître le détail des indicateurs référencés, après concertation des partenaires sociaux. De même, la méthode de calcul, la date et les modalités de publication de ces indicateurs seront détaillées dans ce texte réglementaire.
La commission mixte paritaire se cale également sur le texte du Sénat pour fixer la sanction financière des entreprises qui ne jouent pas le jeu. Laquelle est similaire à celle existante pour l’Index égalité professionnelle, à savoir 1% de la masse salariale versée aux salariés (et assimilés) au cours de l’année civile précédente. Il faudra toutefois attendre un décret du Conseil d’Etat pour avoir plus de précisions.
D’ores et déjà, le texte de la commission mixte paritaire précise que cette peine maximale ne vaudra pas pour tous. Son montant tiendra compte » des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’emploi des seniors ainsi que des motifs de méconnaissance de l’obligation de publication ».
Les entreprises, qui constatent une détérioration de leurs indicateurs pendant trois années consécutives, devront, elles, engager des négociations dans un délai de six mois, ou mettre en place un plan d’action, pour rectifier le tir.
A noter enfin pour les entreprises d’au moins 300 salariés qui négocient sur la GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) l’obligation d’ouvrir la discussion à « l’emploi des salariés âgés ».
L’article 2 bis du projet de loi vise à harmoniser les contributions sociales dues par l’employeur sur les indemnités versées au salarié à l’occasion d’une rupture conventionnelle ou d’une mise à la retraite. Actuellement, le régime social applicable aux indemnités de rupture conventionnelle varie selon que le salarié à la possibilité ou non de faire valoir ses droits à la retraite au moment où il perçoit ces indemnités.
Si le PLRSSR est adopté, l’employeur devra verser une contribution de 30 % assise sur les indemnités versées à l’occasion de la mise à la retraite d’un salarié à l’initiative de l’employeur pour la part exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et de la rupture conventionnelle pour leur part exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
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